« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


jeudi 15 septembre 2011

L'Europe du renseignement, chantier en cours

Deux informations publiées cette semaine montrent que l'Europe de la police et du renseignement se construit... lentement. 

Les évolutions récentes

Dans le domaine de la lutte contre la grande criminalité, une ordonnance vient d'être présentée au conseil des ministres du 7 septembre 2011, visant à faciliter et accélérer l'échange d'informations et de renseignements entre les services de police et de douane. Il s'agit en fait de mettre en oeuvre la décision-cadre adoptée par l'UE le 18 décembre 2006, qui avait  été adoptée après les attentats de Madrid. Le texte exact de ce projet d'ordonnance n'est pas encore diffusé, mais le ministre de l'intérieur affirmé déjà qu'elle garantira "la confidentialité dans la transmission des informations".

Quelques jours après, le 12 septembre, le Conseil des affaires générales de l'Union européenne a approuvé la création d'une toute nouvelle "Agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d'informations à grande échelle dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice" qui devrait être installée à Tallin, en Estonie. Un "paquet législatif" adopté en juin 2009 comporte différents instruments juridiques nécessaires à cette création, à savoir un règlement du Parlement et du Conseil créant l'Agence et une décision du Conseil définissant ses missions.

Sur ce point, l'Agence sera, dès sa création en 2012, chargée de la gestion de trois grands fichiers : le Système d'information Schengen 2è génération (SIS II), le système d'information sur les visas (VIS) et le système Eurodac permettant la comparaison des empreintes digitales des demandeurs d'asile. Il s'agit là des tous premiers fichiers confiés à l'Agence, et elle se verra sans doute confier d'autres systèmes à grande échelle dans l'avenir. 

L'Agence aura en outre une fonction générale d'élaboration de véritables standards sur les conditions de développement des fichiers d'informations et de renseignements. Elle pourra ainsi adopter des mesures de sécurité et de contrôle, organiser des formations pour les agents ayant intérêt à en connaître, voire établir des rapports et publications sur son fonctionnement.

Michel Hazanavicius. OSS 117. Le Caire, nid d'espions. 2006

Une Europe du renseignement à deux étages


On assiste à la construction d'une Europe de l'information et du renseignement à deux étages. Le premier, illustré par l'ordonnance française met en oeuvre un système d'échange de données dans un but de coopération policière et de sécurité. Le second adopte au contraire une vision totalement intégrée, avec une gestion centralisée de fichiers communs. 

Comme l'ensemble de l'Union européenne, l'Europe des fichiers hésite entre ces deux mouvements de coopération et d'intégration. 

Le plus efficace des deux n'est pas nécessairement celui que l'on croit. L'intégration affichée par la création de la nouvelle Agence ne doit pas faire illusion, lorsque l'on sait à quel point les gouvernements sont réticents à échanger des données sensibles, particulièrement dans le domaine du renseignement. C'est ainsi que le "Centre de situation conjoint de l'Union européen" (SitCen), créé en 2001, n'est qu'une plate-forme d'analyse des informations que veulent bien transmettre les Etats membres, la collecte du renseignement restant le monopole des Etats. La lutte contre le terrorisme n'a d'ailleurs conduit qu'à la création d'un poste de "coordinateur". Son titulaire, le belge Gilles de Kerchove s'efforce de convaincre les Etats membres de la nécessité de coopérer dans ce domaine, sans réellement y parvenir. 

Le plus protecteur des deux n'est pas non plus nécessairement celui que l'on croit. Le système européen de protection des données a certes influencé le droit des Etats membres, dans la mesure où ils ont dû transposer les directives intervenues dans ce domaine. Mais l'intégration conduit souvent au nivellement sur le standard le moins exigeant. Elle crée en outre des vulnérabilités nouvelles liées à la centralisation qu'elle met en oeuvre.

Il ne reste plus à espérer que nous disposerons bientôt de davantage d'informations sur ces échanges d'informations...



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